par Bernard Padoan • 15 avril 2025
Quatorze ans après la catastrophe, l’énergéticien japonais Tepco a entamé ce mardi sa deuxième tentative de prélèvement d’un échantillon de débris radioactifs au centre du réacteur n° 2 de la tristement célèbre centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. En mars 2011, un puissant tremblement de terre de magnitude 9,0 au large de l’archipel nippon provoquait un gigantesque tsunami, lequel avait noyé les systèmes de refroidissement de la centrale, entraînant la fusion des cœurs des trois réacteurs en service, ainsi qu’un incendie au niveau de la piscine d’entreposage du combustible usagé d’un quatrième réacteurs. Sous la pression de l’hydrogène produit par les réacteurs hors de contrôle, les bâtiments des réacteurs 1 et 3 avaient explosé. Il s’agissait là du pire accident nucléaire de l’histoire, après l’explosion de la centrale de Tchernobyl en Ukraine en 1986.
Depuis, Tepco a entamé un formidable chantier de décontamination du site, qui ne devrait être achevé au mieux qu’à l’horizon 2050. La tâche la plus complexe consiste à évacuer les débris hautement radioactifs accumulés dans les enceintes de confinement. Il s’agit, selon les mots d’un responsable de Tepco rapportés par nos collègues du quotidien français Le Monde, « du donjon du château ». Ce mélange de débris, appelé « corium », est notamment constitué d’uranium, de zirconium, d’acier et de béton fondus. Toujours selon Le Monde, les mesures montrent que la quantité de radioactivité produite par ce magma – le « débit de dose » – atteint 7,6 sieverts/heure. Or un homme exposé à un sievert risque la mort après quelques semaines ou mois…
Tepco estime qu’il y aurait environ 880 tonnes de corium au total dans les trois réacteurs détruits. Pour déterminer quelle sera la meilleure façon de les évacuer, la compagnie a besoin de prélever des échantillons. Pour ce faire, elle utilise un bras robotisé de 22 mètres de long. Mais l’opération requiert une très haute précision ; il n’y aurait que 30 millimètres de marge pour entrer dans le réacteur n° 2 sans toucher les parois. Lors d’un premier prélèvement réussi en novembre – après plusieurs échecs –, Tepco n’avait ramené que 0,7 gramme de corium, une quantité insuffisante pour récolter l’ensemble des données nécessaires pour préparer la suite des opérations.
D’autant que ce n’est pas le seul défi auquel Tepco est confronté. L’énergéticien a déjà réussi à vider, notamment au moyen de robots, le combustible usagé qui se trouvait dans les piscines de refroidissement des réacteurs 3 et 4. Mais il reste encore plus de 1.000 tonnes de barres d’uranium qui attendent dans les piscines des réacteurs 1 et 2. Selon l’édition 2024 du rapport sur l’industrie nucléaire (WNISR), rédigé par une équipe d’experts indépendants, les opérations d’évacuation devraient reprendre en 2027-2028.
Surtout, l’opérateur de la centrale utilise encore 80 m³ d’eau par jour pour refroidir les réacteurs. De l’eau qui est ensuite récupérée et stockée, et qui doit être traitée pour en éliminer les éléments radioactifs ou radionucléides. Or le traitement ne permet pas d’éliminer le tritium – un isotope radioactif de l’hydrogène – présent dans cette eau de refroidissement. Tepco a pourtant reçu l’autorisation en 2023 de rejeter progressivement dans l’océan Pacifique les énormes volumes d’eau stockés. Ceux-ci doivent donc être fortement dilués avec de l’eau de mer pour atteindre une concentration de tritium acceptable avant d’être déversés dans l’océan. Mais cette opération-là devrait aussi prendre des années, sachant que, selon le décompte de Tepco jusqu’à mars 2025, à peine 86.144 m 3 d’eau contaminée auraient déjà été « libérés », alors que la quantité d’eau stockée s’élève à plus de 1,2 million de m 3 – ce qui correspond à environ 500 piscines olympiques.
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