WNISR2019 évalue l’option nucléaire face à l’urgence climatique
WNISR, 17 December 2019
L’édition 2019 du World Nuclear Industry Status Report (WNISR2019) analyse sur 323 pages l’état de l’industrie nucléaire dans le monde et consacre un nouveau chapitre à l’évaluation de l’option nucléaire comme moyen de combattre l’urgence climatique (voir le résumé en français). Huit experts interdisciplinaires de six pays, dont quatre professeurs d’université, ainsi que Amory Lovins, co-fondateur du Rocky Mountain Institute, ont contribué aux travaux.
La conclusion sur la performance du nouveau nucléaire est sans appel : « Les options non-nucléaires permettent d’économiser plus de carbone par dollar (…) et par an » que le nucléaire. En effet, « dans de nombreux pays nucléaires, les nouvelles renouvelables peuvent désormais concurrencer le nucléaire existant. »
Alors que la capacité en service a atteint un nouveau maximum, et que le nombre de réacteurs en fonctionnement dans le monde a augmenté de quatre unités durant l’année passée pour atteindre 417 tranches à mi-2019 , ce dernier chiffre reste bien en-dessous de la pointe historique de 438 en 2002.
La construction nucléaire est en déclin pour la cinquième année consécutive, avec 46 chantiers en cours à mi-2019 , contre 68 tranches en 2013 et 234 en 1979. Le nombre de mises en construction est passé de 15 en 2010, année précédant Fukushima, à cinq en 2018 et deux en 2019 (au 15 décembre). La pointe historique remonte à 1976 avec 44 démarrages de chantier, plus que le total des sept années passées.
Mycle Schneider, coordinateur et éditeur du WNISR a déclaré : « Il n’y a aucun doute, le taux de renouvellement est trop bas pour garantir la survie de la technologie. Nous sommes face à une sorte de sortie du nucléaire ‘organique’ non-déclarée. »
En conséquence, pour la première fois, la moyenne d’âge du parc nucléaire mondial dépasse les 30 ans.
En même temps, les renouvelables continuent à devancer le nucléaire dans quasiment toutes les catégories. Une capacité record de 165 GW de renouvelables a été couplée aux réseaux dans le monde en 2018, alors que la capacité nucléaire en exploitation a augmenté de 9 GW. La production d’électricité éolienne a augmenté de 29 % et celle du solaire de 13 %, contre 2,4 % pour celle du nucléaire, imputable pour les trois quarts à la Chine.
Comparé à 2008, en 2018, les renouvelables (hors hydraulique) ont produit 1.900 TWh de courant supplémentaire, dépassant le charbon et le gaz, alors que le nucléaire à produit moins.
Que signifient toutes ces données pour le rôle potentiel du nucléaire dans combat contre l’effet de serre ? Le WNISR2019 consacre un chapitre entier à cette question. Diana Ürge-Vorsatz, Vice-Présidente du Groupe de Travail III du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) note dans sa préface au WNISR2019 que plusieurs scénarios du GIEC qui atteignent l’objectif de limiter l’augmentation de la température globale à 1,5°C dépendent lourdement de l’expansion du nucléaire et que « ces scénarios posent la question de savoir si l’industrie nucléaire sera en effet capable de livrer les quantités d’électricité supplémentaires au niveau de ce que ces scénarios exigent, de façon appropriée, tant en termes de coûts que de délais. Ce rapport est peut-être la publication la plus significative pour répondre à cette question pertinente. »
Entre 2009 et 2018, les coûts du solaire commercial ont baissé de 88 % et ceux de l’éolien de 69 %, alors que dans le même temps, ceux du nucléaire augmentaient de 23 %. Le nouveau solaire peut désormais concurrencer le charbon existant en Inde, l’éolien seul produit plus d’électricité que le nucléaire dans un tiers des pays nucléaires, dont la Chine et l’Inde. Mais les centrales nucléaires sont aussi beaucoup plus lentes à construire. Onze ans en moyenne se sont écoulés, entre le début de construction et la connexion au réseau des neuf réacteurs démarrés en 2019. En d’autres termes, l’option nucléaire n’est pas seulement plus chère mais beaucoup plus lente à mettre en œuvre que toute autre option. Le nucléaire n’est donc pas un moyen efficace pour faire face à l’urgence climatique, au contraire, il est contre-productif, car les investissements énormes qu’il demande ne sont alors pas disponibles pour des options plus efficaces.
Résultat plutôt surprenant, même la prolongation de l’exploitation de réacteurs existants n’est souvent pas efficace quand les coûts d’exploitation dépassent les coûts des concurrents, notamment les mesures d’efficacité énergétique et les renouvelables, et bloquent durablement leur mise en œuvre. Mycle Schneider conclut : « On ne peut dépenser un euro, un dollar ou un yuan qu’une fois : l’urgence climatique exige que les décisions d’investissement favorisent impérativement les stratégies de réponse les moins onéreuses et les plus rapides. L’option nucléaire s’est constamment révélée comme la plus chère et la plus lente. »
Contact Mycle Schneider, Coordinateur et Éditeur du WNISR Email : mycle@worldnuclearreport.org Téléphone : +33-1-69 83 23 79 Mobile : +33-6-20 63 47 37