par Antoine Grotteria • le 7 Décembre 2023
Depuis plusieurs années, l’énergie nucléaire suscite l’enthousiasme des gouvernements et l’adhésion croissante des citoyens. Pour tourner la page des énergies fossiles, en partie responsables du réchauffement climatique causé par l’activité humaine, les États vantent les bienfaits de la production électrique issue du célèbre atome. Quitte à satisfaire les défenseurs de l’industrie, présents en nombre à la COP28, à Dubaï, aux Émirats arabes unis.
Le samedi 2 décembre, une vingtaine de pays, dont la France et les États-Unis, ont claironné une augmentation substantielle de la production d’énergie atomique. L’objectif annoncé est de multiplier par trois les capacités actuelles d’ici 2050. Le message porté par John Kerry, l’émissaire américaine pour le climat, est clair : « Sans nucléaire », les ambitions de « neutralité carbone » sont irréalisables. Mais ce coup d’éclat rhétorique peut-il se traduire dans les faits ?
Selon des experts, la réponse est négative. Dans le « rapport annuel sur l’état de l’industrie nucléaire mondiale » (WNISR, World Nuclear Industry Status Report), un groupe de scientifiques, financé en partie par le gouvernement allemand, a estimé que les objectifs étaient « hautement irréalistes ». Les scientifiques ont rappelé les importants retards auxquels sont confrontées les nouveaux réacteurs. De surcroît, en raison des coûts faramineux.
Comme l’a noté le rapport, de nombreux pays occidentaux s’appuient sur un parc « vieillissant », des dysfonctionnement techniques qui se traduisent par une production « la plus basse depuis quatre décennies ». En 2022, la production électrique extraite de l’énergie atomique a baissé de 4 % par rapport à l’année précédente.
Jamais les réacteurs n’avaient aussi peu fourni depuis la crise pandémique causée par le Covid-19. En parallèle, les investissements dans les énergies éoliennes et solaires ont fortement crû pour atteindre un montant de 495 milliards de dollars, soit environ 460 milliards d’euros.
Dans le domaine du nucléaire, les intérêts des pays occidentaux s’avèrent en concurrence avec ceux de leurs principaux rivaux, la Russie et la Chine. Ces deux géants continuent de miser sur l’énergie atomique à des niveaux sans commune mesure avec les autres nations. Selon le rapport, plus de trois-quarts de nouveaux réacteurs en cours de construction au 1er juillet dernier étaient en Chine ou en Russie.
C’est une tendance de fond. Depuis deux décennies, Moscou et Pékin sont devenus les principaux vendeurs atomiques. La moitié des réacteurs conçus entre 2003 et 2022 ont été fabriqués par la Chine. L’Europe et les États-Unis veulent rattraper ce retard. Il n’est pas certain qu’ils y parviennent, malgré leur appel.
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