SHARON WAJSBROT, 8 septembre 2020
La Chine met en service son premier réacteur nucléaire de conception 100 % chinoise. Promise à l’export, cette technologie doit être homologuée d’ici à 2022 pour tenter d’entrer au Royaume-Uni.
C’est une étape hautement symbolique pour l’industrie nucléaire chinoise. Ce vendredi, à 15 h 30, sur le site nucléaire de l’opérateur chinoise CNNC à Fuqing (sud-est de la Chine), le premier réacteur du pays utilisant une technologie chinoise et construit par des entreprises chinoises a commencé à charger son combustible.
Cette étape cruciale marque formellement la mise en service du réacteur de 1.000 mégawatts, même si sa connexion au réseau électrique prendra encore plusieurs mois. Selon CNNC, qui a annoncé la nouvelle sur son compte WeChat, l’exploitation commerciale de ce qui doit devenir le cinquième réacteur de la centrale de Fuqing devrait commencer avant la fin de l’année.
Une technologie aux racines françaises lointaines
Conçus conjointement par deux géants chinois de l’énergie nucléaire, CGN et CNNC, ce réacteur de troisième génération, c’est-à-dire à la sûreté renforcée lors de la conception, utilise une technologie baptisée « Hualong One ». Si ses racines lointaines sont françaises elle est à 100 % chinoise.
Jusqu’ici, la Chine, qui fait clairement la course en tête dans la mise en service de réacteurs de nouvelle génération, avait misé sur des technologies importées. A Taishan (sud-est de la Chine), le chinois CGN a mis en service le premier EPR au monde en partenariat avec le français EDF. Au total deux EPR et quatre réacteurs de type AP1000, la technologie conçue par l’américain Westinghouse, sont raccordés au réseau électrique en Chine.
Mais désormais la primeur est clairement accordée à la technologie nucléaire nationale. Après trois ans de gel des autorisations de mise en chantier de nouvelles centrales, Pékin a donné son feu vert à quatre réacteurs de type Hualong One en 2019. Deux autres projets qui utiliseront cette technologie ont également été approuvés la semaine dernière. Par ailleurs, un deuxième réacteur de ce type doit être achevé en 2021, sur l’unité 6 de la centrale de Fuqing.
Un projet d’export au Royaume-Uni
De quoi doper largement la production d’électricité nucléaire nationale : à la fin 2019, la Chine comptait 49 gigawatts de capacité de production. Selon GlobalData, le pays devrait doubler la France en 2022, et devenir le deuxième pays en termes de puissance installée dans le monde, derrière les Etats-Unis. Mais dans le nucléaire, la Chine pousse aussi ses pions en dehors de ses frontières. Dès 2017, le chinois CGN a déposé une demande d’homologation de sa technologie Hualong One au Royaume-Uni. Avec l’appui d’EDF, il espère obtenir un feu vert des autorités britanniques en 2022 pour candidater à la construction de deux nouveaux réacteurs sur le site de Bradwell, dans l’Essex. « Le processus d’homologation est entré dans sa quatrième et dernière phase », indique la coentreprise EDF-CGN.
Ce projet risque toutefois de faire les frais d’un durcissement des relations entre Pékin et Londres, en particulier sur le dossier Huawei. Par ailleurs, construire un tel réacteur en dehors de la Chine serait loin d’être évident pour les géants chinois du nucléaire. « Le seul autre pays qui a engagé la construction d’un réacteur Hualong c’est le Pakistan. Or, au Pakistan, la Chine est chez elle, estime l’expert Mycle Schneider. Ailleurs dans le monde, il n’y a aucune raison que la Chine échappe aux difficultés qu’ont rencontré d’autres pays dans l’export de leurs technologies nucléaire. Lorsqu’on construit à l’étranger tout est différent. La réglementation, l’autorité de sûreté nucléaire, le contrôle-qualité, etc. »
See also :
Head Topic, "Nucléaire : la Chine s’émancipe de l’industrie occidentale", 8 September 2020.