2 May 2021

Les Echos (France)

Nucléaire : EDF fait un grand pas dans son gigantesque projet d’EPR en Inde

A la veille d’une visite officielle du premier ministre indien Narendra Modi en France, EDF a remis une offre « technico-commerciale engageante » pour la conception de six réacteurs EPR sur le site de Jaitapur, dans l’ouest de l’Inde. Initié par Areva il y a plus de dix ans, ce projet à l’avenir encore incertain vise à construire la centrale nucléaire « la plus puissante du monde ».

Selon EDF, ce projet en Inde d’une puissance installée de 9,6 gigawatts formerait « la centrale la plus puissante du monde »
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Source : Les Echos – Nucléaire : EDF fait un grand pas dans son gigantesque projet d’EPR en Inde https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/nucleaire-edf-depose-une-offre-pour-la-construction-de-six-epr-en-inde-1309476

Par Sharon Wajsbrot Publié le 23 Avril 2021

A la veille d’une visite officielle du premier ministre indien Narendra Modi en France, EDF a remis une offre « technico-commerciale engageante » pour la conception de six réacteurs EPR sur le site de Jaitapur, dans l’ouest de l’Inde. Initié par Areva il y a plus de dix ans, ce projet à l’avenir encore incertain vise à construire la centrale nucléaire « la plus puissante du monde ».

Après des années d’atermoiements, la centrale nucléaire de Jaitapur, dans l’Etat du Maharashtra, au sud-ouest de l’Inde, va-t-elle connaître un coup d’accélérateur ? C’est l’espoir d’EDF, qui a annoncé vendredi avoir remis une « offre technico-commerciale engageante » à l’exploitant nucléaire indien NPCIL pour l’un de ses projets les plus ambitieux à l’export : la conception et la fabrication de composants pour une nouvelle centrale de six réacteurs de type EPR.

Attendue de longue date, cette étape cruciale vient concrétiser - dans un document de plus de 7.000 pages - les détails de l’offre commerciale d’EDF quelques jours avant la visite officielle du premier ministre indien Narendra Modi prévue à Paris début mai.

Cette visite fait suite à celle de la ministre de la transition écologique Barbara Pompili en Inde, fin janvier, puis à celle du ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian mi-avril. Pour les pouvoirs publics, comme pour EDF, il était important d’être fin prêt pour pousser ce dossier majeur en gestation depuis 2007, et considéré comme un « pilier de la coopération entre la France et l’Inde ».

La centrale la plus puissante du monde

Lancé par Areva en 2009 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, ce projet a été repris en mains par EDF après la faillite de son concurrent, mais au fil des années il est devenu un véritable serpent de mer. Bousculé par la catastrophe de Fukushima, en 2011, il a concentré de fortes oppositions locales. Il a toutefois été remis sérieusement sur le métier en 2018 avec la signature d’un accord franco-indien sur la définition d’un schéma industriel de coopération. De fait, pour la France, les enjeux sont énormes.

A Jaitapur, EDF et son partenaire NPCIL n’envisagent rien de moins que de construire la plus grande centrale nucléaire du monde, avec six réacteurs EPR. Soit une puissance totale de 9,6 gigawatts (GW) qui permettrait d’alimenter 70 millions de foyers indiens chaque année et d’accélérer la baisse des émissions de CO2 du parc de production électrique indien, dominé à ce jour à plus de 50 % par du charbon.

Ces dernières années, le futur exploitant du site NPCIL aurait estimé l’investissement nécessaire pour construire une telle centrale à 3.000 milliards de roupies, soit plus de 30 milliards d’euros. EDF ne chiffre pas le montant de son offre qui, à la différence des contrats EPR signés en Chine ou au Royaume-Uni, n’implique pas pour l’énergéticien de financer le projet - ni même de construire les réacteurs. Un modèle plus compatible avec les fortes contraintes financières d’EDF qui cumule un endettement de plus de 42 milliards d’euros.

Un contrat inédit pour EDF

Dans ce contrat, « EDF propose de fournir les études d’ingénierie et de fabriquer les équipements les plus critiques comme les cuves des réacteurs ou encore les générateurs de vapeur grâce à sa filiale Framatome », explique le groupe public. A Bercy, on s’active toutefois pour accompagner le plan de financement du projet. « Le crédit export de Bpifrance pourrait être mobilisé », explique une source au fait des discussions.

Officiellement, EDF n’affiche pas de calendrier pour passer à la prochaine étape avec ses partenaires indiens - c’est-à-dire la signature d’un accord-cadre engageant. Chez EDF, on espère toutefois que cette étape pourra être franchie « dès le premier semestre 2022 ».

Pour l’instant, il semble en tout cas laisser les investisseurs dubitatifs. Ce vendredi, en dépit de la bonne nouvelle et dans un climat d’incertitude sur l’avenir de la réforme du groupe, le cours de l’énergéticien a cédé près de 3 % à Paris. Il faut dire que si l’Inde investit largement dans l’industrie nucléaire - sept réacteurs sont en construction dans le pays selon le World Nuclear Industry Status Report -, deux sont développées par le géant Rosatom et les autres sont de technologie indienne.

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