Le marché mondial du nucléaire toujours à la peine
Anne Feitz | 15/07/2015
Le nombre de réacteurs en exploitation est inférieur à son niveau de 2010, selon un nouveau rapport. Le marché mondial du nucléaire s’est stabilisé l’an dernier, mais il reste en net déclin comparé à 2010. Le nouveau rapport « The World Nuclear Industry », publié ce mercredi par les consultants Mycle Schneider et Antony Froggatt, montre que le nombre de réacteurs nucléaires en exploitation est toujours très inférieur à son niveau de 2010, mais aussi qu’il y a de moins en moins de mises en chantier de nouveaux réacteurs.
Les auteurs ont recensé 391 réacteurs en opération sur la planète au 1 juillet 2015, dans 31 pays, pour une capacité installée de 337 gigawatts (GW). Des chiffres légèrement supérieurs à ceux constatés il y a un an (3 réacteurs et 5 GW de plus), mais très en deçà des records atteints en 2002, pour le nombre de réacteurs (438), et en 2010 pour la capacité installée (367 GW). Cette chute, qui s’explique en grande partie par la fermeture prolongée de 40 réacteurs japonais (en plus des trois définitivement fermés), est loin d’être compensée par les réacteurs en construction. « En 2014, on n’a compté que trois mises en chantier, en Argentine, en Biélorussie et aux Emirats arabes unis. Et à peine deux sur les six premiers mois de 2015, en Chine. C’est très peu, comparé aux 15 démarrages de construction observés en 2010, et aux 10 de 2013 », note Mycle Schneider, qui a aussi longtemps animé le cabinet Wise-Paris. Au total, le nombre de réacteurs en construction sur la planète est tombé à 62 unités dans 14 pays (contre 67 il y a un an), dont 24 en Chine (40 %), 8 en Russie et 6 en Inde. Le rapport souligne que les trois quarts de ces chantiers subissent des retards avérés et que beaucoup d’autres sont trop récents pour estimer s’ils tiennent leurs délais. Cinq d’entre eux (aux Etats-Unis, en Russie et en Slovaquie) sont même « en construction » depuis plus de trente ans ! Les réacteurs de troisième génération, en particulier, subissent de lourds retards, compris entre deux et neuf ans. C’est vrai pour les EPR d’Areva en France et en Finlande, mais aussi pour les huit AP1000 de Westinghouse, ou les six AES-2006 de Rosatom. En revanche, la construction des deux EPR de Taishan, en Chine, se déroule, a priori, comme prévu. Le cabinet ne se prononce pas sur le chantier de Kepco aux Emirats arabes unis.
Le nucléaire est moins compétitif
Les retards constatés s’expliquent par des « problèmes de design, pénurie de main-d’oeuvre qualifiée ou de financement, problèmes de contrôle qualité ou encore de planning », explique le rapport. « Cette lenteur pénalise le nucléaire par rapport aux autres énergies à faibles émissions comme le solaire ou l’éolien : le facteur temps est devenu essentiel », insiste Mycle Schneider. Et ce d’autant que la hausse des coûts de fonctionnement rend le ucléaire moins compétitif, note le rapport : la Suède vient d’annoncer la fermeture de quatre unités non rentables plus tôt que prévu, de même qu’E.ON en Allemagne. « L’idée de renaissance du nucléaire annoncée il y a quinze ans semble aujourd’hui illusoire : le gouvernement devrait en tenir compte dans ses réflexions sur l’avenir d’Areva et d’EDF… », conclut l’expert.
A. F., Les Echos