par Hervé Kempf Publié le 29 Septembre 2021
La France, ou du moins les partis de droite, de M. Macron à M. Zemmour, s’accroche-t-elle désespérément à une industrie du passé ? C’est ce qu’on peut penser en lisant le World Nuclear Industry Status Report 2021, un rapport de référence décrivant chaque année l’état de l’énergie nucléaire dans le monde. Sa dernière édition est parue mardi 28 septembre.
À la mi-2021, y apprend-on, 33 pays exploitaient 415 réacteurs nucléaires, soit 7 unités de plus qu’un an auparavant. Cependant, c’est 23 réacteurs de moins que le pic de 438 atteint... il y a près de vingt ans, en 2002. Par ailleurs, en 2020, la production nucléaire a diminué de 4 %. Elle est nettement distancée par les énergies renouvelables non hydrauliques, dont la production électrique a augmenté de 13 %. Cela s’explique notamment par la perte rapide de compétitivité de l’énergie nucléaire : entre 2009 et 2020, les coûts du solaire ont baissé de 90 % et ceux de l’éolien de 70 %, tandis que les coûts de construction des réacteurs nucléaires ont augmenté de 33 %. Ceci explique que dans l’Union européenne, les énergies renouvelables non hydroélectriques ont généré en 2020, pour la première fois, plus d’électricité que les centrales atomiques.
Un autre symptôme du déclin prévisible de l’énergie nucléaire est le faible renouvellement du parc de réacteurs. Si tous ceux qui sont en service allaient jusqu’à la fin de leur durée de fonctionnement autorisée, et si toutes les unités en construction devaient être mises en service, 123 réacteurs supplémentaires devraient être mis en service avant la fin de 2030 pour simplement maintenir le statu quo. Cela impliquerait de plus que doubler le rythme de construction annuel de la dernière décennie, c’est-à-dire passer de 6 à 12 unités. Or, depuis 2016, le rythme de construction a encore ralenti : seules 24 unités ont été mises en chantier, dont 11 en Chine, soit moins de 5 mises en chantier par an, nettement moins de la moitié de ce qui serait nécessaire pour maintenir le nombre actuel de réacteurs en service dans le monde. Conclusion : la capacité nucléaire globale est appelée à diminuer.
L’espoir des nucléaristes repose sur la Chine, qui a dépassé la France en tant que deuxième producteur d’électricité nucléaire au monde. Un espoir lui aussi à refroidir. Certes, la production d’électricité nucléaire en Chine a augmenté de 4,4 % en 2020. Mais ce taux est le plus faible depuis 2009. Et le pays n’a pas atteint ses objectifs nucléaires sur cinq ans (58 GW installés et 30 GW en construction), tandis qu’il a augmenté sa capacité éolienne de plus de 70 GW et sa capacité solaire de près de 50 GW pour la seule année 2020. Il est intéressant de noter que « l’autre Chine », Taïwan, est en train de sortir avec succès du nucléaire : ses trois derniers réacteurs doivent être fermés d’ici 2025. La part du nucléaire dans la production d’électricité est ainsi passée 41 % en 1988, à 13 % en 2020.
En France aussi, l’énergie nucléaire ne se porte pas bien. Les centrales nucléaires y ont produit près de 12 % d’énergie en moins qu’en 2019, représentant 67 % de l’électricité du pays, soit la part la plus faible depuis 1985. Les arrêts à capacité nulle ont représenté près d’un tiers de l’année par réacteur en moyenne. Le projet d’EPR de Flamanville a été à nouveau retardé et son démarrage est désormais prévu pour la mi-2023.
Du coup, la fiabilité financière d’EDF est ébranlée. Les agences de notation ont dégradé en juin 2020 sa note à BBB+ (catégorie moyenne inférieure) notamment en raison d’une « disponibilité des réacteurs nucléaires plus faible que prévu ». Quant à la filiale britannique d’EDF, EDF Energy, elle a été rétrogradée à la catégorie « junk » — pourrie...
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