Par Armelle Bohineust Publié le 23 Avril 2021
Le projet avait été mis à l’arrêt après l’accident de la centrale de Fukushima. Il pourrait obtenir l’aval des autorités indiennes d’ici quelques mois.
Une étape déterminante est franchie. EDF a présenté jeudi à New Delhi son offre finalisée pour six EPR, des réacteurs nucléaires de troisième génération, à Jaitapur, à 400 km de Bombay. Cette centrale, qui aura une puissance de 10 gigawatts (GW) et pourra approvisionner 70 millions de foyers en électricité, sera la plus grande au monde. Elle affichera l’équivalent de 20 % de la capacité nucléaire actuelle de la France.
Le projet, lancé il y a près de dix ans par Areva, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, avait été mis à l’arrêt après l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon. Il a aussi été freiné par des opposants locaux, inquiets des risques de séisme et de dégradation de la pêche locale.
Paris et New Delhi l’ont relancé en 2018, à l’occasion d’un déplacement d’Emmanuel Macron. Et il pourrait obtenir l’aval des autorités indiennes d’ici à quelques mois, espère EDF, seul en lice sur ce projet. Le groupe dirigé par Jean-Bernard Levy a mobilisé 200 personnes pour apporter des réponses sur quelque 1 000 points techniques, résumées dans un document de près de 8 000 pages. Il considère que son offre est « engageante ».
À l’inverse du site de Taishan en Chine, où 2 EPR ont été construits avec EDF, qui détient 33 % de la centrale, le groupe français n’investira pas dans le projet indien. EDF fournira l’ingénierie et les équipements. L’exploitant nucléaire indien NPCIL s’occupera de la construction et de la mise en service de la centrale.
Dans le cadre du plan « Make in India » du premier ministre Modi, la construction fera appel à de nombreuses entreprises indiennes et elle devrait générer des dizaines de milliers d’emplois locaux, assure EDF. Même chose en France où une centaine de sociétés participeront au projet pendant la quinzaine d’années du chantier. Framatome, ex-Areva NP devenue filiale d’EDF en 2018, devrait ainsi fournir les cuves et le cœur des réacteurs, General Electric France apporter les turbines.
La technologie dite EPR (European Pressurized Water Reactor) lancée en 1992 offre une grande puissance (1,6 GW par réacteur) et une sûreté améliorée avec notamment la multiplication des systèmes de sauvegarde pour refroidir le cœur du réacteur en cas de défaillance. Mais les têtes de série du réacteur d’EDF ont subi de nombreuses déconvenues. Les chantiers lancés il y a près de quinze ans en Finlande et en France, à Flamanville, et plus récemment en Grande-Bretagne à Hinkley Point, accumulent les retards et voient leurs coûts exploser. Seuls les deux EPR de Taishan, commandés à EDF par Pékin et lancés en 2009, ont été mis en service, respectivement en 2018 et 2019.
Le projet de Jaitapur affiche une taille record. Mais New Delhi est rodé à l’énergie atomique. Le nucléaire est la quatrième source d’électricité pour l’Inde, qui compte 21 réacteurs en activité, certains de technologie canadienne, d’autres russe, et plus d’une dizaine en construction ou en projet.
EDF est par ailleurs implanté en Inde depuis plus de vingt ans. Il développe dans le sous-continent des infrastructures d’énergie renouvelable dans le solaire et l’éolien. Il y gère le plus gros contrat de compteurs intelligents et est également présent dans l’hydroélectricité.
L’Inde, troisième émetteur mondial de CO2 derrière la Chine et les États-Unis, tire 70 % de son énergie de ressources fossiles. Mais elle affiche sa volonté de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. En 2018, lors de la relance du projet de Jaitapur, New Delhi s’était fixé l’objectif de générer 9 % de son mix électrique à partir du nucléaire en 2030. Avant l’épidémie de Covid-19, le nucléaire apportait au pays 3,2 % de son électricité, selon le World Nuclear Industry Status Report.
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