2 October 2017

Le Monde (France)

EDF‑Areva : le nucléaire, un marché de niche

Dans le monde, les mises en chantier de nouveaux réacteurs ralentissent, tandis que l’éolien comme le solaire gagnent en compétitivité et en part de marché, malgré le défaut majeur de leur intermittence.
Source : EDF-Areva : le nucléaire, un marché de niche http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/09/13/edf-areva-le-nucleaire-un-marche-de-niche_5184939_3234.html

LE MONDE ECONOMIE | 13.09.2017 à 11h16 | Par Jean-Michel Bezat

Quarante ans que les Suisses s’approvisionnaient en électricité à la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin). Le contrat d’achat de 15 % de la production des deux réacteurs lancés en 1977 expire le 31 décembre, et le consortium de trois électriciens (Alpiq, Axpo, BKW) aurait pu le prolonger un peu, mais… mais les prix de gros de l’électricité en Europe sont aujourd’hui plus intéressants. Et une lourde hypothèque pèse sur l’avenir du site alsacien, à l’arrêt depuis des mois en raison de travaux de sécurisation. Les Helvètes le disent sans ambages : leur décision s’explique par « l’incertitude politique en France sur la date de fermeture de Fessenheim », la doyenne des centrales françaises. L’Etat a prévu qu’elle interviendrait quand l’EPR de Flamanville (Manche) serait raccordé au réseau. Ce sera courant 2019, assure EDF. Même si, après un dérapage de sept ans, le dernier calendrier semble tenu, les essais du réacteur de troisième génération peuvent encore réserver de mauvaises surprises.

Coûts exorbitants de l’atome civil

Il y a une logique plus profonde à cette fin de contrat : en mai, les Suisses ont voté la sortie progressive du nucléaire à une large majorité de 58 %. Pas la France, qui cherche juste à ramener de 75 % à 50 % sa part d’électricité d’origine nucléaire dans huit ans. Un objectif de la loi de transition énergétique de 2015, repris par le candidat Macron, mais à la réalisation incertaine. « Il faudrait fermer environ dix-sept réacteurs d’ici à 2025 », estime Nicolas Hulot dans un entretien au Parisien du 12 septembre. « De manière rationnelle et concertée en fonction, notamment, des enjeux de sécurité et de critères économiques et sociaux », nuance le ministre de la transition écologique et solidaire.

Et sans donner l’impression que la France, naguère championne du nucléaire, ne croit plus en cette énergie. Ce serait un très mauvais signe envoyé aux rares pays auxquels EDF et Areva peuvent vendre leur EPR. Pour M. Macron, il reste une « industrie d’avenir ». Après trois ans de restructurations douloureuses (baisse des effectifs, recapitalisation de 9 milliards d’euros, acquisition de l’activité réacteurs Areva NP par EDF, recentrage d’Areva sur le cycle de l’uranium), la filière devrait même être en ordre de marche à la fin de l’année.

N’est-il pas déjà trop tard ? Les coûts de l’atome civil sont exorbitants. Le doute s’installe, y compris dans des pays aussi nucléarisés que les Etats-Unis, le Japon ou la Corée du Sud. La Chine marque un peu le pas, et l’Inde tergiverse. Les mises en chantier de nouveaux réacteurs ralentissent, et l’éolien comme le solaire gagnent en compétitivité et en part de marché, malgré le défaut majeur de leur intermittence. Les données publiées, mardi, dans le World Nuclear Industry Status Report 2017 parlent d’elles-mêmes : 240 milliards de dollars investis dans les renouvelables l’an dernier, 10 milliards dans les réacteurs. A ce rythme, le nucléaire va devenir un marché de niche.

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