Par Adrien Pécout • le 14 Décembre 2023
Inédit, l’accord adopté mercredi 13 décembre à Dubaï l’est à plus d’un titre. Dans sa déclaration finale, la 28e Conférence des parties sur le climat (COP28) n’a pas seulement insisté sur la nécessité de s’écarter des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon). Le texte a aussi appelé à « accélérer » le développement du nucléaire, en tant que source d’électricité bas carbone. « Une victoire diplomatique pour la France », a considéré d’emblée la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher.
Pour le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Argentin Rafael Mariano Grossi, « l’inclusion de l’énergie nucléaire » dans le texte « démontre qu’il existe désormais un consensus mondial sur la nécessité de développer cette technologie propre et fiable pour atteindre nos objectifs vitaux en matière de changement climatique et de développement durable ».
Ce moment marque « tout simplement une étape historique », ajoute-t-il. Les partisans de l’atome y voient la confirmation de son retour en grâce, douze ans après l’accident japonais à la centrale de Fukushima, malgré des critiques persistantes sur l’enjeu des déchets radioactifs.
Le texte final de la COP28 respecte « une neutralité technologique dans les solutions bas carbone », souligne Ludovic Dupin, directeur de l’information de la Société française d’énergie nucléaire. Sans « tabou » ni « dogmatisme », apprécie-t-il. L’accord range en effet le nucléaire parmi diverses technologies à encourager. C’est-à-dire avec les énergies renouvelables (solaire, éolien, par exemple), la capture et le stockage du carbone, ou encore l’hydrogène.
Ce principe de neutralité pouvait déjà s’observer sur le plan continental. Depuis le 7 décembre, le Conseil de l’Union européenne classe ainsi le nucléaire parmi les « technologies stratégiques », dans le cadre de négociations sur un règlement européen pour l’industrie.
Restent tout de même quelques défis à relever, et non des moindres. « Nous espérons que cette reconnaissance mondiale contribuera à propulser la croissance de la main-d’œuvre nucléaire et à débloquer le financement dont le secteur a besoin », déclare au Monde l’Américain William Magwood, directeur général de l’Agence pour l’énergie nucléaire, rattachée à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). « Ces deux éléments sont cruciaux si le secteur nucléaire veut concrétiser son potentiel et réduire les émissions de carbone tout en assurant la sécurité énergétique. »
Plus un taux d’emprunt est élevé, plus le coût général de la construction le sera aussi. Or, nombre de gouvernements projettent désormais de nouveaux réacteurs. A la tribune de la COP, le 2 décembre, une vingtaine d’Etats ont appelé à tripler les capacités de l’énergie nucléaire d’ici à 2050 par rapport à 2020. Parmi eux, des pays déjà nucléarisés (la France, qui vise entre six et quatorze unités en plus, les Etats-Unis, le Japon) et d’autres qui ne le sont pas encore (Pologne, Maroc, Ghana). La Chine est en revanche restée à l’écart de la démarche. De même que la Russie, malgré son rôle prépondérant dans l’industrie nucléaire, y compris pour des chantiers en Turquie ou en Egypte.
Cette diplomatie prolonge un mouvement déjà à l’œuvre en Europe depuis février. Initiative française, l’alliance européenne du nucléaire rassemble une quinzaine de pays. Elle est censée contrebalancer le poids d’Etats opposés à l’atome, à commencer par l’Allemagne, l’Autriche et le Luxembourg.
« Compte tenu des longs délais de construction des centrales nucléaires », un triplement des capacités « semble très irréaliste » d’ici à la moitié du siècle, juge cependant un rapport indépendant sur l’état de l’industrie nucléaire mondiale, le World Nuclear Industry Status Report (WNISR), présenté le 6 décembre. Cet objectif précis ne figure d’ailleurs pas dans le texte adopté une semaine plus tard, à l’issue de la CO28.
Dans son décompte du premier semestre, le WNISR recense 407 réacteurs en service dans 32 pays. En 2022, selon ses recoupements, le nucléaire est descendu à 9,2 % de la production d’électricité commerciale dans le monde. Une part historiquement faible, assurent les auteurs du rapport, par rapport aux quatre dernières décennies.
(Plus...)